Ville de Bouzonville

Aux origines de l'Abbaye

À ce moment on passe dans l’histoire parce que nous avons des textes écrits. Encore faut-il parfois démêler ce qui est de l’histoire et ce qui relève de l’embellissement légendaire. Ce qu’on sait vient en droite ligne de ce qu’on appelle la « pancarte » de Bouzonville (XIIème). La transcription a été effectuée par le célèbre Dom Calmet au XVIIIème et l’étude critique par Charles Edmond Perrin au XXème. C’est la base de pratiquement tout ce qui est écrit sur l’origine de l’abbaye.

Quand a-t-elle été fondée ? La date de sa consécration est janvier 1033.

Si elle était terminée à ce moment là, c’est qu’on l’avait commencée avant, probablement vers 1030.

Quelle est la situation à ce moment ? Bouzonville est Lorraine et dépend de l’empire romain germanique. La paix ne règne pas et les habitants vivent plus ou moins misérablement. Les grands, les puissants sont les comtes et évidemment les évêques : ceux qui possèdent les terres. C’est aussi une période de grandes famines et épidémies. C’est à ce moment que se situe la fondation de l’abbaye.

C’est l’œuvre d’Adalbert et de son épouse Judith.

Adalbert d’Alsace est comte de Metz (duc de Basse Lorraine) et marchis (responsable de la marche, c’est à dire de la frontière). Son épouse, Judith, suivant les versions est dite de Luxembourg, de Souabe ou non identifiée.

Le couple va décider de faire construire sur leur possession de Bouzonville une abbaye. Judith en surveille la construction et son époux part en Terre Sainte chercher des reliques pour le futur établissement religieux. Le lieu choisi serait celui de l’emplacement de leur château, sis sur un monticule au bord de la Nied. Durant le temps de la construction, Judith vit dans le château de Vaudreching. On sait qu’au Moyen Age, une femme s’occupait des biens de son époux. Adalbert, partit en Terre Sainte, peu importe la date, en pèlerinage, non en croisade. Sachant qu’un voyage en Terre Sainte dure environ deux ans, ce peut-être le temps mis pour la construction de l’abbaye. Toujours est-il que pour construire l’abbaye ainsi que pour faire un tel pèlerinage, il faut beaucoup de motivations.

Pourquoi la construction de l’abbaye ?

  • Dans le contexte de l’époque : durant la première moitié du XIe siècle, l’Europe connut un regain de ferveur qui se traduisit par l’érection de nouvelles cathédrales, abbayes, églises, prieurés (« blanc manteau d’églises »).
  • Obtenir la rédemption (pour le salut des âmes)
  • Aller en pèlerinage était également un moyen de rédemption
  • Aller chercher des reliques pour permettre à d’autres de venir les prier est fréquent au Moyen Age et cet engouement a entraîné des trafics de reliques
  • La création d’un monastère est synonyme d’expansion économique : Les moines installés dans les abbayes apportent leur savoir, leurs connaissances, les techniques nouvelles
  • La vie doit s’organiser autour du monastère : il faut faire vivre les moines, il faut des paysans et des artisans
  • Un monastère qui possède des reliques attire des foules qu’il faut accueillir, restaurer, soigner
  • Le monastère à l’endroit où il est placé, si c’est l’emplacement du château a également un rôle défensif ou de péage sur le passage
  • Où il y a abbaye, il y a également revenus : dîme, dons…
  • L’abbaye sera le facteur de développement du bourg médiéval, et malgré les vicissitudes des temps c’est encore un pôle d’attraction aujourd’hui.
  • Les moines de l’abbaye furent des bénédictins. Les premiers ont été installés par l’abbé Poppon de Malmédy-Stavelot.

Adalbert avait reçu du patriarche de Jérusalem des reliques et un fragment de la Vraie Croix. Le tout fut placé dans l’abbaye. Celle-ci fut consacrée et dédiée à la Sainte Croix, à Saint Pierre et à la Vierge par l’évêque de Metz, Thierry II de Luxembourg, le 31 janvier 1033.

Adalbert est né au milieu du Xe siècle et la date de sa mort est incertaine (1033-1034-1035?). Judith eut au moins deux enfants : Gérard d’Alsace (Gérard Ier) qui épousa Gisèle et Oda (Uda) qui fut abbesse de Remiremont.

Gérard et son épouse Gisèle eurent de nombreux enfants dont Adalbert d’Alsace, duc de Lorraine et Gérard II de Lorraine, d’Alsace, dit le Grand, comte de Châtenois qui épousa Hedwige de Namur. C’est ce dernier qui est dit premier duc héréditaire de Lorraine et par ailleurs fondateur de la ville de Nancy. Ses descendants sont encore aujourd’hui porteur du nom de Lorraine (Otto de Habsbourg).

Adalbert et Judith sont les grands-parents du premier duc héréditaire de Lorraine. Adalbert est inhumé ainsi que son fils Gérard dans le chœur de l’abbatiale. Judith a été placée « au milieu du monastère » et Gisèle dans la chapelle de Saint Pierre.

Un autre événement important est encore à signaler de cette époque de fondation : le passage du pape Léon IX, en 1049. Ce pape voyageur, a séjourné une nuit au monastère lors d’un périple qui le menait de Reims à Trèves. Les fondateurs ainsi que la consécration de l’abbatiale sont représentés sur les vitraux de la chapelle de la Croix dans l’abbatiale actuelle.

Les anciens, les très anciens Bouzonvillois nous ont laissé un héritage, à nous de le faire connaître et de le préserver.

 

Documentation
Rapport de diagnostic archéologique, Thierry Klag, 2004
Le cimetière mérovingien de Bouzonville. Alain Simmer. 1990 Les Cahiers du Pays Thionvillois, N° 7
Toponymie mosellane, Alain Simmer. 2002
Histoire d’une langue, Gérard Boulangé. 1990 Gau un Griis
Le royaume bosonide, IXe–Xe siècles, Laurent Rippart professeur à l’université de Savoie.
L’étude de la toponymie dans la Moselle francique. Jean-Louis Kieffer. SHAN 1986 N°5
Histoire de la Lorraine, L’époque médiévale. Michel Parisse .1990
La vie monastique en Lorraine. Michel Parissse.
Histoire de la Lorraine, T1, Auguste Digot. 1854
Mémoire de P. A. Bastien, Université de Nancy II 93/94
Les sépultures lorraines, G. Boulangé. 1855
Les ducs de Lorraine, C.B. Noisy. 1860
L’église Sainte Croix de Bouzonville, Eugène Voltz. 1984. Les Cahiers Lorrains
Ancienne abbatiale Sainte Croix, étude préalable à la restauration. Christophe Bottineau. 2003
L’an mil printemps du monde, Georges Duby. Historama février 1985
Bouzonville, son abbaye, Nicolas Dicop. 1978